Une réflexion pour les personnes qui oeuvre dans les métiers d’aide
Introduction
Comme professionnel oeuvrant dans le soutien aux autres nous sommes nécessairement l’outil principal de nos interventions avec la personne. Peu importent nos techniques et nos savoirs, notre humanité, notre empathie, notre soucis réel de l’autre sont au coeur de nos rencontres avec l’aidé. Si nous sommes assez conscient de ce que nous pouvons leur offrir, et avons été formé pour soutenir une démarche de mieux-être chez l’autre, qu’en est-il du soutien à l’aidant que nous sommes? Quelle place occupe le soin de nous-même dans notre vision professionnelle et quels sont les pièges et risques ainsi que les impacts sur nos aidés quand nous ne prenons plus soin de nous. Loin d’être une simple question à simple réponse, ces interrogations nous renvoient à notre vision de ce que signifie aider et le rôle de l’aidant dans le processus de mieux-être de la personne. Voici donc quelques pistes de réflexion.
Les souffrances de l’aidant
Dans toute rencontre humaine nous sommes déclenchés par l’autre , soi dans des émotions agréables ou désagréable. Ce que l’aidé est résonnera inévitablement avec ce que nous sommes et viendra réveiller en nous des vécus et des vulnérabilité qui nous appartiennent.
Trop souvent nous avons appris, de part nos relations antérieure et de par notre éducation, à associer vulnérabilité avec faiblesse ou fragilité. Nous avons honte de nos vulnérabilité, de nos souffrances, de nos zones sensibles et avons appris en nous en défendre , à les cacher et à nous masquer. Pourtant la vulnérabilité est tout simplement notre réalité humaine. Vouloir se couper de ce cette vulnérabilité , au nom du professionnalisme et de la distance professionnelle, est à mon avis un des plus grands pièges qui guette toute personne en relation d’aide. Le risque alors est de nous enfermer dans un technissisme et une froideur professionnel qui dénude la rencontre de toute sa chaleur humaine et empathique, qui on le sait maintenant , est un des facteurs, sinon le facteur, contribuant au mieux-être de l’aidé.
Certes il nous faut savoir comment gérer ces vécus dans la relation avec l’aidée, et certes il n’est pas juste de dire que nous devons avoir avec lui la même ouverture et transparence sur notre ressenti que nous aurions dans notre sphere privée, mais ce étant dis il nous faut accepter que le vécu vulnérable est là et en prendre soin.
Accepter et écouter notre vulnérabilité c’est accepter de ressentir nos émotions, toutes nos émotions, non seulement celle qui sont agréables ou acceptables à nos yeux.
Les zones vulnérables souvent déclenchées
Comme j’ai déjà dis plus haut, la rencontre avec l’autre nous déclenche : soit dans des émotions agréables soit dans des émotions dites désagréables. Et tout cela est subjectif et le reflet de notre réalité intérieure. Il y a tant de peurs et d’émotions souffrantes qui peuvent être déclenchées par nos intéractions avec notre aidé: peur de décevoir, peur du jugement, peur de perdre, peur de blesser, peur de l’échec, peur de l’envahissement etc et etc… Voici deux sentiments que je développerai un peu plus : l’impuissance et l’infériorité.
L’impuissance
Qui parmi nous ne s’est jamais senti impuissant comme aidant? Impuissant devant la souffrance qu’elle soit physique ou morale, impuissant devant le rythme de l’autre, impuissant devant les limites réelles de ce que nous pouvons faire pour aider la personne. Étant donné que le seul pouvoir que nous ayons est celui de nous prendre en charge et nous changer, il est inévitable que dans toute relation d’aide, nous rencontrions l’impuissance : celle de prendre l’autre en charge et le changer.
Quand nous nous défendons de ce sentiment, que nous ne voulons pas l’accueillir en soi et l’écouter, nos défensives peuvent prendre la forme du contrôle sur l’autre, la prise en charge excessive, vouloir le changer à tout prix, en utilisant parfois la culpabilisation ex: » si tu voulais vraiment aller mieux tu ferais ceci ou cela « . Nous pouvons aussi tomber dans l’autre polarité , soit de l’évitement et le désinvestissement de la relation thérapeutique. Toutes ces défensives sont normales devant notre souffrance d’impuissance, mais comme tout fonctionnement défensif elles finissent par non seulement entraver la relation thérapeutique mais aussi nous éloigner de nous-même. Ces réactions défensives inconscientes nous empêchent aussi de prendre soin de soi et de l’émotion réelle sous ces défensives. Derrière ce sentiment d’impuissance il peut y avoir : la peur de perdre, la culpabilité , l’ infériorité et l’ insécurité.. tant de souffrance à accueillir et un si grand besoin de sécurité, d’amour et d’écoute.
L’infériorité
C’est le sentiment associé au fait de ne pas se sentir à la hauteur, sentiment que nous portons tous plus ou moins fortement selon notre éducation et nos blessures d’enfance et qui est souvent déclenché par l’interaction avec nos aidés. Encore une fois ce sentiment est le reflet de notre vulnérabilité humaine et doit être accueilli et non combattu. Quand nous combattons notre sentiment d’infériorité nous nous défendons dans le faire et l’activisme. Nous devenons alors le thérapeute qui s’en demande trop, qui perd ses limites, qui en donne trop et qui n’arrive pas à se reconnaitre. Nous tombons dans la comparaison avec nos collègues, nous sommes pris dans la performance et la prison du perfectionnisme. L’infériorité non accueillie peut aussi nous amener à nous défendre en s’affichant supérieur, en se coupant de notre sensibilité et nos peurs et ainsi s’enfermer dans un personnage de supériorité. L ‘aidant se défend alors, inconsciemment, en se rigidifiant, en dominant l’autre, en ne se remettant plus en question par peur inconsciente de toucher à son doute et son infériorité. Derrière l’infériorité il y a tant de souffrance à écouter, tant de peur et souvent un grand besoin d’amour et de reconnaissance.
les impacts de ne pas accueillir notre vécu comme aidant
L’aidant qui ne s’aime pas et ne se connait pas, qui ne comprend pas son monde intérieur et qui n’en prend pas la responsabilité, ne peut transmettre ce même amour et acceptation à son aidé. Nous ne pouvons donner aux autres que ce que nous avons nous-même reçu et ce que nous nous donnons encore. Ainsi un aidant qui se nie, qui se refoule, qui se perd dans ses techniques au détriment de l’accueil et l’écoute de son monde intérieur, arrivera inévitablement un jour ou l’autre à une impasse intérieure et professionnelle. Combien de personnes dans le secteur des soins de la santé sont malades, épuisées, en burn-out, déprimées… Nous pourrions dire que c’est la ‘ nature ‘ du travail qui fait cela, mais je dirais plutôt qu’il origine d’un mauvais soin de la personne de l’aidant. Les conséquences et les risques de ne pas accueillir et prendre soin de son vécu vulnérable est de se perdre dans son travail ne plus savoir reconnaitre ses besoins et ses limites. Ceci mène la personne vers un épuisement professionnel, épuisement qui prend sa source dans les besoins non écoutés et non répondus de l’aidant. Un autre risque qui nous guette est celui de se couper de toute forme de vulnérabilité à force de ne plus savoir comment la gérer, quoi faire avec, par peur du jugement ou de la perte. L’aidant devient alors un bon technicien dont le coeur est fermé à ses aidés. Plus les années passent, plus leurs murs durcissent et moins il est nourri par son métier.
Ressources et pistes pour s’aider
Il y a plusieurs choses que nous pouvons faire pour nous soutenir dans la prise en charge de notre vulnérabilité et notre humanité en tant qu’aidant et qui iront dans le sens de nous remettre au centre de la rencontre thérapeutique. Voici quelques pistes de prises de conscience et des suggestions d’actions concrètes.
L’écoute et l’acceptation de nos vulnérabilités
Ceci exige de prendre le temps de développer le réflexe de se donner ce que souvent nous donnons à nos aidés de façon évidente et naturelle: écoute et empathie. C’est accepter que nous ne sommes certainement pas à l’abris de vivre de telles émotions de peurs ,de doute,d’impuissance, d’infériorité, d’insécurité etc… bien au contraire. Ainsi nous serons libre de décider de ce que nous voulons faire avec ce vécu, mais quelle que soit notre choix, il aura une conséquence positive pour soi et l’aidé, ou le contraire.
Je chercherai alors la source de mon malaise, je porterai le regard vers mon intérieur… Je me questionnerai : pourquoi est-ce si difficile pour moi avec ce client?… qu’est-ce qui, chez lui, éveille ce sentiment en moi. Il faut alors trouver les déclencheurs et chercher sa responsabilité… Quel est mon vécu: culpabilité, peur de perdre, peur de ne pas être à la hauteur, comparaison, insécurité, peine, colère ? Qu’est-ce que cela dit de moi? Me suis-je déjà sentie ainsi dans une relation importante dans mon passée? Quels sont mes besoins dans cette situation, comment puis-je prendre soin de moi ?
Toutes ces questions ramènent la personne vers elle-même et soutiennent le processus d‘accueil et de responsabilisation de son vécu. Ainsi par ce cheminement intérieur je trouverai peut-être des réponses qui me viennent du dedans, qui m’aideront à être plus doux et accueillant envers moi et ainsi plus doux et accueillant envers l’autre. Voilà le vrai sens du mot amour de soi.
Actions : quand vous devenez réactifs avec un aidés, quand vous sentez l’émotion en vous, prenez le temps de respirer. Prenez le temps de vous arrêter intérieurement pour écouter et accueillir ce qui se passe. Développez le réflexe d’écouter plutôt que de fuir vos émotions. Voyez ce qui se passe ….
S’engager envers soi-même
Un mot si court et si simple, mais pas toujours facile à appliquer. L’engagement envers soi-même englobe une quantité de choses qui pour chaque personne sont différentes. Mais chose certaine, l’engagement envers soi est l’ancre qui nous protège de nous perdre ou de nous mettre en dernier encore une fois comme professionnel. L’engagement envers soi-même nous aide à développer des pratiques qui vont dans le sens de prendre soin de nos émotions, de notre vulnérabilité , de nos besoins et de notre humanité. L’engagement envers soi est une décision qui porte des fruits concrets dans toutes nos relations, quelles soient de nature professionnelle ou personnelle. L’engagement envers soi nous aide à continuer à écouter notre monde intérieur, à lui donner la même valeur que nous donnerions au vécu de nos aidés, nous aide à poser des gestes concrets d’amour de soi comme celui de développer l’acceptation et aussi la responsabilité face à ce qui est déclenché par l’autre.
Actions : le matin avant le travail, prendre l’engagement avec vous-même de vous mettre en priorité. Utilisez cette affirmation ou tout autre qui vous inspire : » Aujourd’hui je suis ma priorité, je prends soin de moi physiquement et émotivement, pour mon plus grand bien et le plus grand bien des gens autour de moi. «
Observer les résistances et croyances qui peuvent monter, les émotions que cela éveil en vous.
Derrière nos vulnérabilités se trouvent nos besoins
L’humain a des besoins fondamentaux au niveau de son être physique, besoins qui , s’ils ne sont pas écoutés, compromettent sa survie. Mais il en est de même pour sa santé mentale et émotive. L’humain porte des besoins fondamentaux: besoin d’amour, de reconnaissance, d’écoute, d’affirmation, de sécurité, de liberté, de créativité.
Derrière chacune de nos difficultés, de nos réactions défensives, se cachent des émotions souffrantes telles que la peur ou la peine. Quand nous prenons le temps d’écouter et d’accueillir ces vécus ils nous informent inévitablement de nos besoins en souffrance.C’est certain que l’aidé, dans le contexte de notre relation professionnelle, n’est pas là pour répondre à nos besoins; il n’en demeure pas moins que ces besoins demandent à être entendus et pris en charge par l’aidant. Il est alors primordial pour nous de répondre à nos besoins en nous tournant vers des personnes qui sauront les accueillir et nous soutenir.
Quand nous prenons soin de nos besoins fondamentaux nous remplissons notre puits… nous devenons alors abondant dans ce que nous pouvons offrir en tant que professionnel. Nous goutons la satisfaction et l’énergie qui nous propulse!
Action : reprendre la liste des besoins fondamentaux précités et, encercler ceux qui sont en souffrance dans votre vie personnelle et professionnelle en ce moment.Soyez honntête avec vous – même. Trouvez alors un moyen concret que vous pourriez utiliser pour prendre la responsabilité de ce besoin et prendre soin de vous.
Sortir de l’isolement pour se faire aider
Vous connaissez sans doute l’expression “cordonnier mal chaussé.” Combien de personnes qui oeuvrent auprès d’autres ont oublié ou occulté leurs propres besoins de soutien, d’écoute et d’aide? Trop souvent la personne aidante a le défaut de ses qualités. Elle est beaucoup plus à l’écoute des autres que d’elle-même. Quand elle souffre, quand elle a peur ou a mal, elle peut avoir tendance à s’isoler, surtout si les messages reçus par son éducation consolident l’idée que pour bien exercer son métier et être compétente il ne faut pas vivre de telles vulnérabilités. Ces croyances, à mon avis dangereuses et fausses, ne font qu’agrandir le gouffre qui sépare l’aidant de son besoin de relation aidante.
Nous devons sortir de l’isolement avec nos doutes, nos peines, nos peurs de ne pas être à la hauteur, nos jugements sur soi et sur l’autre. Nous devons sortir de l’isolement en allant chercher du soutien auprès d’une personne qui saura nous écouter, nous donner l’espace nécessaire pour vivre nos émotions, qui ne cherchera pas à solutionner, moraliser, banaliser, ou à nous donner raison ou pas, mais qui nous écoutera avec respect. Nous devons sortir de l’isolement pour d’abord écouter notre vécu, l’exprimer, le libérer et puis chercher en soi la raison de notre difficulté. Voilà la ressource première de l’aidant.
ACTION: Se créer un réseau de personnes avec qui on se sent en confiance et écouté.
Se planifier des rencontres de soutien avec un professionnel: thérapeute, régulateur.
Chercher du soutien auprès de notre réseau professionnel.
Conclusion
Je crois fondamentalement que si vous avez choisi un métier en lien avec l’aide et le soutien aux personnes c’est que fondamentalement, il y a en vous un désir d’aider, un besoin d’être dans la relation humaine et un besoin de contribution. Tous ces besoins sont les besoins les plus nobles et les plus élevés de la personne humaine et quand on y répond, ils font naitre en soi un profond sentiment de joie et de sens retrouvé.
Je vous souhaite de ne jamais oublier ceci: il ne peut y avoir de relation réelle sans relation d’abord à soi-même. Développer la relation à soi, prendre soin de son vécu et de sa vulnérabilité comme aidant est à mon avis une des étapes les plus importantes pour développer non seulement une réelle compétence professionnelle mais surtout une pratique qui sera longue et riche de rencontres qui apporteront à chaque fois l’invitation à mieux se connaitre, à mieux s’aimer, à être en relation avec soi.
Pour en savoir plus sur les services de Katherine Barr Tra-Thérapeute en Relation d’Aide par l’ANDCmd
438-875-3494